Voyager à crédit

Dans un monde d’image et d’apparence, il y a peu de choses qui représentent autant la réussite qu’une photo de ses fesses écrasées sur le sable de Playa Despacito.

À 22 ans, je suis partie 3 semaines au Maroc. Un voyage que j’ai financé avec le dernier chèque de paie avant de m’envoler. Trois semaines au Maroc. Le tout m’est revenu à environ 1800$. Il faut dire qu’à l’époque, je voyageais en pauvre : auberges de jeunesse, bruncher au lieu de déjeuner/dîner…

Ce que j’ai négligé de calculer, c’est mon retour. Mon voyage payé avec ma dernière paie, il ne me restait plus un rond une fois à la maison. Mais mes dépenses ont continué, avec une paie de retard. Ce fut le début de ma relation dysfonctionnelle avec le crédit. J’ai pris l’habitude de dépenser de l’argent que je n’avais pas encore dans mes poches.

En donnant cet exemple à une amie, elle aussi me raconte qu’un voyage payé “avec la paie” lui a causé une dette dont, plusieurs années plus tard, elle ne croit pas en être réellement débarrassée.

Nous n’avons pas payé nos vacances à crédit, mais nous avons financé nos dépenses usuelles au retour. Le résultat est le même. Nous avons toutes deux payé beaucoup plus cher que le coût de départ.

Si le voisin le fait

Et nous ne sommes pas les seules. Selon Forbes, 74% des Américains s’endettent d’environ 1100$ pour leurs vacances. Au final, les vacances engloutissent près de 15% de notre salaire annuel et ce, sans qu’on n’ait vraiment pensé à le budgéter (55% ne prévoient pas les vacances sur leur budget).

Depuis que je rembourse mes dettes, j’ai diminué de beaucoup mon budget voyage. À la place, j’ai opté pour des destinations plus rapprochés, pour des escapades de fins de semaine et pour du staycation.

Au début, devoir attendre sur la terre ferme le temps de mettre mes affaires en ordre a été une décision déchirante.

J’adore les voyages. Me retrouver dans un endroit où tout m’est étranger et où personne ne parle ma langue est vertigineux. C’est le genre de sensation qui rend accro.

C’est peut-être pour ça qu’on perd tout sens commun quand vient le temps de planifier nos vacances. Au diable la dépense, je pars me ressourcer à Bali. Eat, pray, love, biatch!

Sauf que notre périple va rapidement nous coûter le double si on le finance à crédit. On se crée soi-même une prison en s’enfermant dans nos dettes de voyage.

Pour un instant de liberté, on renonce à la vraie liberté. Celle qui vient quand on n’est pas obligé d’atteindre un salaire X pour éviter de tout perdre.

Oui, mais… YOLO

Et là, je vous entends, vous qui faites l’apologie du voyage qui forme la jeunesse. Qui nous permet de réaliser des expériences que jamais l’argent ne pourra remplacer. Ce à quoi je réponds : bullshit.

Oui, il y a des voyages qui nous forment, qui nous transforment. Mais une croisière tout-inclus dans les îles Turquoise, ce n’est pas une plongée dans les eaux troubles de l’existence humaine. C’est une pièce de théâtre temporaire dans laquelle on joue aux riches.

Et c’est une mascarade qu’on parade partout sur les réseaux sociaux.

À quel prix ? Celui de mettre nos autres projets sur la glace en attendant de rembourser le voyage de 1500$ qu’on a payé avec notre carte de crédit à 20%.

Celui de devoir un jour se retrouver cloué au sol pour quelques années, avant de pouvoir recommencer à épargner en vue d’un prochain périple.

Croyez-moi. Ça, c’est formateur.

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