Le pansement sur les blessures

À San Diego, le docteur Vincent Filetti a étudié l’obésité auprès de 30 000 patients. En discutant avec eux, il a été frappé par le fait qu’un grand nombre d’entre eux avaient été victimes d’agressions sexuelles. L’occurrence était beaucoup plus élevée que dans la population en général. 

Une femme lui avait expliqué, qu’elle avait pris près de 100 livres après son agression. En devenant obèse, elle est devenue invisible. Elle n’attirait plus l’attention des hommes. D’une certaine manière, son obésité la protégeait. 

Pour ces patients, l’obésité était une mauvais solution à un réel problème. 

Nous avons tous une tendance à l’auto-médicamentation. Que ce soit l’exercice, la drogue, l’alcool, les relations sans lendemain, la nourriture, la dépense. Nous avons tous adopté un comportement qui sert une autre fonction que lui-même. Il est le pansement par lequel on espère que la blessure se cicatrise. Certains pansements sont meilleurs que d’autres… 

Pendant tout mon parcours scolaire régulier, du primaire au secondaire, il n’y a qu’une seule année où je n’ai pas été intimidée. En secondaire 5, quand j’ai changé d’école. Ma nostalgie me laisse un mauvais goût dans la bouche. 

Ceux qui sont passé par là me comprendront. Tous les jours, on a l’impression de passer au scanner. Est-ce que ce sera cette parole qui me vaudra des insultes aujourd’hui ? Ou est-ce que c’est mon gilet qui va faire en sorte que les rires fuseront derrière mon dos ? Est-ce que ce commentaire se voulait sarcastique ou honnête ? Il y a de quoi rendre fou, dans ce déshabillage collectif quotidien ou tout petit élément peut devenir objet de moqueries. 

Mais ce qu’on dit peu des intimidés, c’est le grand désir qu’ils ont d’être acceptés. Parce que s’ils s’en foutaient, ils ne seraient pas dans cette situation. Il y a une grande douleur dans cette contradiction, le fait de vouloir être aimés de ceux qui te rejettent. Dire à un intimidé de se défendre, c’est lui demander d’embrasser le rejet. Et entre vous et moi, même les adultes n’ont pas souvent ce courage. 

Être accepté dans l’enfance passe beaucoup par l’apparence. C’est encore plus vrai pour les filles. Chaque rentrée, j’espérais que mon nouveau chandail allait avoir l’effet d’une métamorphose, comme on le voit dans les films. Quand la fille descend de l’escalier avec des nouveaux cheveux et des nouvelles lunettes et que soudainement tout le monde veut être son ami et tous les garçons veulent sortir avec elle. 

Il ne me manquait pas grand-chose, juste une fée marraine pour changer le cours de ma vie. 

Je n’ai pas eu de fée marraine, mais j’ai eu de l’argent. Et quand je n’avais plus d’argent, j’avais du crédit. J’ai acheté beaucoup de choses, pour faire partie du groupe, mais aussi, surtout, dans l’espoir d’impressionner. Comme la fille qui descend les escaliers. 

On ne parle pas souvent de ça, dans les récits des gens qui se reprennent en main. Quand on commence à changer une habitude, on se retrouve confronté à nous-mêmes. On entre en désintoxication. La métamorphose est aussi un processus qui fait mal.

Apprendre à vivre avec moins, c’est aussi apprendre à s’accepter tel qu’on est. À ne plus vouloir impressionner. Nous n’avons plus de grosse voiture, de beaux vêtements. Nous ne pouvons plus acheter d’affection à coups de tournées. 

Il est très confrontant de changer ses habitudes. Mais il n’y a rien qui fasse grandir davantage qu’un constat d’échec. Il n’y a pas grand monde qui se reprenne en main en disant : «Tout va bien dans ma vie, mais j’ai décidé de tout changer.» 

Il faut beaucoup de courage aussi pour enlever le pansement et laisser la plaie à vif. Ce n’est pas la motivation qui empêche les gens de changer, c’est la peur. Du rejet, de perdre son cercle social, de se retrouver seul,…

Transcender la peur, c’est le combat de toute une vie. Mais la laisser gagner, c’est une petite mort. 

2 réflexions sur “Le pansement sur les blessures

  1. Il ne faut pas embrasser le rejet mais bien.. le rejeter. À partir du moment où on s’en fout, le rejet n’a plus d’emprise sur nous. Ce n’est pas facile à faire mais maudit que ça fait du bien. Bon courage!

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.