La valeur du travail

Je digresse aujourd’hui.


Je ne vous parlerai pas d’argent, et ce, même si le titre du texte se lit «La valeur du travail».


Car la valeur du travail ne se traduit pas que par l’argent, mais par ce qu’il réflète sur nous. La valeur est une addition de toutes ces relations sociales, de cette fierté qui résulte du sacrifice, de ce dépassement de soi.


Et cette valeur se retrouve sous de multiples formes. Le concierge d’une école qui est salué le matin par des centaines d’enfants, la caissière au Walmart qui souhaite que son fils ait un destin plus confortable…


Toutes ces phrases qu’on entend sur le 9 à 5 et le danger de la routine occultent souvent le fait qu’avec la routine vient la sécurité. Que d’occuper un même travail permet de développer des relations importantes avec les collègues. Que même si votre contribution est mineure, la joie de sentir qu’on fait partie d’une équipe a son importance.


Ce n’est pas la routine, ni la paie, ni même les horaires qui créent ce malaise existentielle que ressentent beaucoup de gens face à leur travail, c’est plus profond que ça.


Ce qui cause le malaise c’est une inadéquation entre l’effort et son résultat.

Vous auriez beau créer un environnement amical et organiser des sorties de bureau, si à l’interne, c’est du chacun pour soi, et que la compétition règne, vous engendrez un malaise. Si vous demandez des sacrifices constants à vos employés pour une paie médiocre, vous engendrez un malaise. Si vous prenez le crédit pour le travail de votre équipe, vous venez de briser la relation entre leurs efforts, et le résultat.


Voilà pourquoi, la retraite est souvent dévastatrice pour un moment. Si elle est non désirée, on se fait arracher le résultat pour lequel on a mis tant d’effort : la paix d’esprit et le sentiment du travail accompli. Si elle est désirée, mais que le retraité plaçait une immense valeur intrinsèque dans son travail : amitié, statut, etc. il doit se réinventer une nouvelle identité.
Dans le monde dans lequel on vit, il est de plus en plus ardu de relier les efforts avec le résultat. Tout simplement parce que, pour beaucoup de profession, le résultat est devenu un peu trop abstrait.


Quand on travaille son champ pour se nourrir, on a une relation directe avec le produit. Quand on travaille son champ pour nourrir quelqu’un d’autre, la relation est plus ténue.


Imaginez quand on travaille sur une image corporative pour attirer de la visibilité, puis de l’engagement et que 0,05% de cet engagement se traduit en dollars sonnants, qui vont à l’entreprise et qu’une portion de ce chiffre d’affaires vous est remis pour que vous puissiez manger, on commence à s’éloigner de la relation directe.


En plus que le produit de notre travail est de moins en moins tangible. Produire une présentation sur les objectifs du département reste un concept assez abstrait.


Aussi belle soit notre présentation, il devient plus difficile d’en tirer une valeur intrinsèque.


C’est ce qui arrive avec la division du travail, plus elle est grande, plus elle éloigne le travailleur de son produit.

Un conférencier que j’adore du nom de Dan Ariely avait réalisée une étude sur le travail. Il demandait aux participants de construire des Legos et payait pour chaque construction. La valeur accordée allait en diminuant : 5$ pour la première, 4,50$ pour la deuxième, 4$ pour la troisième, etc. Jusqu’à ce que le participant cesse le jeu, considérant qu’il n’en vaut plus la chandelle.


Ce qu’il a découvert, c’est que la valeur monétaire n’influait pas tant sur le moment où le participant arrêtait de construire. Mais plutôt lorsque les chercheurs se sont mis à défaire les pièces aussitôt que les participants les terminait.


Le travail perdait alors tout son sens. Ce n’est pas pour rien que Sisyphe se fait torturer dans les Enfers en devant rouler une pierre jusqu’en haut avant qu’elle ne redescende la côte.


(Pis là je me dis que j’ai brûlé mon choix d’illustration de la semaine dernière. Fichtre!)


Pour ceux qui sont intéressés (et pas pire en anglais), sa conférence se trouve ci-dessous :

Et puis maintenant, je vais vous dire où je m’en vais avec ce long prologue théorique et philosophique. (Un jour je vais avoir des données qui vont me montrer que je perds les lecteurs dès la première phrase, mais pour l’instant je vis dans l’inscousiance 🙂


Si vous voulez trouver du sens à votre travail, rappelez-vous pourquoi vous le conservez.


Est-ce qu’il vous permet de payer vos dettes et d’envoyer vos enfants à l’école privée ? Est-ce qu’il vous permet d’être créatif ? Est-ce qu’il vous donne assez de temps chaque semaine pour vous consacrer à vos loisirs ?


Quel résultat voulez-vous atteindre ?


Pis là c’est le moment où j’invente une citation inspirante :

À lire aussi :
La honte

4 réflexions sur “La valeur du travail

  1. J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.

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